(Partie 1/2)
Comment transformer l’économie pour la rendre compatible avec la notion de durabilité ? Le pourquoi, nous ne le connaissons déjà que trop bien. On sait que si on continue de faire comme nous faisons actuellement, les systèmes risquent de s’effondrer. Les systèmes au pluriel, parce qu’ils sont tous interconnectés : les systèmes naturels, qu’on appelle écosystèmes, seront les premiers à s’effondrer puisqu’ils sont directement impactés par le dérèglement climatique et la chute de la biodiversité. Or, nous, êtres humains, sommes des animaux qui vivent dans ces écosystèmes-là. Et tous nos systèmes artificiels (à savoir économique, politique et social), reposent sur la vivabilité des systèmes naturels. On peut créer autant de PIB que l’on veut, on reste avant tout des êtres vivants, et donc soumis aux règles de la vie, à savoir manger, boire, dormir, et bien sûr respirer…
Mais en ce moment, on est un peu en train de s’étouffer. Vous l’aurez compris, la survie des écosystèmes est indispensable à la survie de nos systèmes artificiels. Et pas l’inverse. Et pourtant, ce sont bien nos systèmes artificiels, en particulier le système économique, qui contribuent à la dégradation de l’environnement. La question qui se pose naturellement est donc : comment sauver nos systèmes naturels ? Et ne nous leurrons pas, nous devons les sauver pour notre propre survie, mais nous ne sommes pas près d’abandonner les avantages que nous apporte le système économique. La question se transforme alors pour ajouter une nuance importante : comment sauver nos systèmes naturels sans compromettre notre système économique ? En d’autres termes, comment atteindre un développement durable ?
Nous avons décidé de jouer le jeu du capitalisme, du commerce et de la croissance. Et cette partie nous a mené jusqu’à une situation où les enjeux sont si importants que le cerveau humain peine à les conscientiser au quotidien. C’est la survie de très nombreuses espèces, incluant la nôtre, qui dépend de nos prochains coups. Et actuellement, nous avons 3 cartes en main.
1- La sobriété
La première carte, c’est celle de la sobriété. Il faut consommer moins pour produire moins. La théorie de la sobriété repose plutôt sur le changement comportemental des consommateurs. Si on se met tous d’accord pour réduire notre consommation, inévitablement la production suivra, et en se contentant de moins (moins voyager, moins acheter, réutiliser le plus possible etc.), on pourrait atteindre un seuil d’équilibre entre ce que l’on prend à la planète et ce qu’elle est capable de générer. Et une fois ce seuil atteint, le développement est durable.
La sobriété est une notion d’abord introduite par l’économiste Wolfgang Sachs en 1993, qui la résumait en 4 mots, qu’il appelle les 4D : Décélérer, Désencombrer, Décentraliser, Démarchandiser. Au quotidien, elle peut se traduire par des actions comme le zéro déchet, l’adoption d’un régime alimentaire décarboné, la consommation locale, etc. Mais la carte de la sobriété s’appuie pour l’instant entièrement sur la bonne volonté des consommateurs. Il n’y a pas d’obligation de recycler, pas d’interdiction des vols long courrier ou des produits originaires de l’autre bout du globe. Peut-être dans le futur la sobriété sera-t-elle imposée, mais pour l’instant, elle dépend du nombre d’individus sensibilisés aux enjeux environnementaux et prêts à changer leurs habitudes de consommation. Et tant que nous serons ancrés dans le système capitaliste actuel, il faudra attendre que tout le monde soit sensibilisé et prêt à changer son comportement de consommation pour obtenir un système économique qui soit compatible avec un développement durable.
Cependant, les individus ne sont pas les seuls acteurs pouvant amorcer cette transformation économique. D’autres instances ont une influence tout aussi importante sur le système.
2- Les états et organisations internationales
La seconde carte que nous avons en main, c’est celle des états et des organisations internationales comme les Nations Unies, l’Union Européenne, l’OMC, la Banque mondiale, le FMI, etc. Ces structures, qui œuvrent pour l’intérêt général et qui ne sont pas liées au profit, ont un énorme pouvoir d’investissement, de sensibilisation et de réglementation.
Le pouvoir d’investissement
Les états et les organisations financières internationales comme la Banque Mondiale ou le FMI ont le pouvoir de faire naître des projets colossaux qu’aucune entreprise ne serait jamais capable de mettre sur pied. Ce sont les ressources de l’Etat qui ont permis à des projets comme les réseaux routiers et électriques, par exemple, de voir le jour. Dans son livre l’Etat entrepreneur, Mariana Mazzucato décrypte le rôle de l’Etat dans l’innovation, et démontre qu’il est très souvent à l’origine des innovations radicales qui sont capables de changer drastiquement tout un système économique (comme Internet par exemple). Nous ne détaillerons pas ici sa thèse (pour plus d’infos sur ses idées, consultez cet article), mais la conclusion est simple : un acteur économique qui dispose de nombreuses ressources et qui est libre de la contrainte du profit est le mieux placé pour mener des projets coûteux sur le long terme, qui seront vecteurs d’innovation. Et pour transformer le tissu économique, il faudra nécessairement mener de tels projets (décarboner l’énergie, développer une agriculture responsable, repenser les villes, etc.)
Le pouvoir de réglementation
Le paradoxe de ce jeu de l’économie, c’est que c’est nous qui fixons les règles au fur et à mesure de la partie. Les états et les organisations internationales comme les Nations Unies, l’Union Européenne ou encore l’OMC sont les grands maîtres du jeu. A force de lois, de règlements et de décrets, ils pourraient, en théorie, transformer le système économique quasiment du jour au lendemain si tout le monde se mettait d’accord. Mais dans la pratique, tout le monde n’est pas d’accord, et surtout la transition doit être douce pour que les acteurs économiques puissent s’adapter au changement. Reste que le pouvoir législatif et réglementaire de ces acteurs est un énorme levier de changement qu’il faudra actionner pour espérer rester dans la partie le plus longtemps possible.
Le pouvoir de sensibilisation
Enfin, les états et les organisations internationales sont des acteurs de sensibilisation de premier rang. Les rapports du GIEC, qui est un groupe d’experts internationaux sur le climat créé par les Nations Unies, contribuent par exemple à informer le public sur l’urgence environnementale.
3- Les entreprises
La troisième carte, c’est celle des entreprises : elles sont les fondations de notre économie. Si elles décident de changer leur manière de produire et qu’elles trouvent une manière de produire qui ne nuise pas à l’environnement, alors elles réconcilient l’économie et l’environnement. Les entreprises, notamment en adoptant une démarche RSE, peuvent radicalement transformer le cœur du tissu économique, mais nous discuterons plus en détails des outils à leur disposition dans un prochain article dédié à ce sujet.
Des leviers complémentaires et interdépendants
Ces trois leviers sont des sujets à part entière qu’il est tout à fait intéressant d’étudier, et ils sont d’ailleurs loin d’être séparés. Ils sont complémentaires ; il faudra, dans une certaine mesure, compter sur ces 3 acteurs pour espérer relever le défi environnemental. Prenez le facteur comportemental par exemple. Les individus sensibilisés cherchent à changer leurs habitudes de consommation, ce qui crée une nouvelle Demande et donc un marché « responsable » à investir pour les entreprises, et plus les individus sensibilisés sont nombreux, plus ce marché prend des parts sur le marché « non responsable » des individus non sensibilisés. Les individus sensibilisés influencent donc les entreprises depuis l’extérieur en tant que consommateurs. C’est ce que nous appellerons le « levier consommateur ». Mais ils les influencent également depuis l’intérieur en tant que salariés ; c’est ce que nous appellerons le « levier collaborateur ». S’ils sont assez nombreux à être sensibilisés, la volonté des collaborateurs de donner du sens à son travail (cf. la notion d’engagement collaborateur) peut insuffler un mouvement interne de changement des pratiques de l’entreprise. Le même schéma se répète d’ailleurs vis-à-vis des états et institutions gouvernementales : il y a une pression externe des électeurs (le « levier électeur ») qui sont des individus sensibilisés, et une pression interne lorsque ces individus sensibilisés font partie du gouvernement ou de l’organisation (le « levier politique »).
Chacune de ces options a ses défauts qui peuvent être rattrapés par les atouts des autres. Là où la mise en action des institutions gouvernementales est assez lente (on a du mal à se mettre d’accord et les lois et règlements mettent un moment à être adoptés), les entreprises sont en général beaucoup plus rapides. Mais elles, cependant, sont limitées par la rentabilité de leurs projets. Enfin, le changement comportemental, même s’il est essentiel pour influencer les deux autres leviers, ne suffit pas non plus à résoudre le problème à lui seul. Les mœurs sont relativement rigides et le comportement des consommateurs ne changera jamais assez vite à la bonne échelle pour espérer adresser le problème dans les temps.
Bref, les liens entre ces trois sphères sont nombreux, et chacun a une influence sur les autres. Il est évident que pour relever ce défi civilisationnel de transformer tout notre système économique pour le rendre compatible avec un développement durable, tous les acteurs économiques devront mettre la main à la pâte. De notre côté, nous agissons sur le levier des entreprises, en particulier des PME et ETI que nous accompagnons dans leur transformation. Nous nous pencherons sur ce levier dans un prochain article qui viendra compléter celui-ci ; n’hésitez pas à nous suivre sur LinkedIn pour ne pas le rater !
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Par B.BESEGHER