Pouvez-vous vous présenter s’il vous plait ?
Je m’appelle Marie-Helene Doumet, et je suis consultante en développement durable. J’accompagne les entreprises dans leur reporting de durabilité, et plus spécifiquement en ce moment à la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD).
Qu’est ce que la CSRD?
La CSRD succède à la Non-Financial Reporting Directive (NFRD), en vigueur depuis 2017. La NFRD exigeait déjà des grandes entreprises la publication de leurs performances en matière d’environnement, de responsabilité sociale et de gouvernance, mais elle laissait aux entreprises une grande latitude quant au contenu de leurs rapports et des indicateurs utilisés. Cela se traduisait par une grande diversité de rapports, rendant difficile la comparaison, même au sein d’un même secteur, et favorisant, parfois, une exagération des performances.
La CSRD partage le même objectif que la NFRD, mais elle vise à introduire davantage de précision, de comparabilité et de transparence dans les rapports. Les exigences sont désormais normées, avec des définitions claires, des indicateurs précis, et des méthodes de calcul bien définies.
Quels changements cette réglementation va apporter au sein de l’Union européenne ?
La CSRD va bien au-delà d’une simple exigence de reporting. En parcourant ses dispositions, il est clair que l’Union européenne attend des entreprises qu’elles adoptent des stratégies spécifiques. Même si la CSRD ne les impose pas directement, la simple demande de transparence concernant la gouvernance et la stratégie sur des points précis incitera fortement les entreprises à revoir leurs pratiques. Ainsi, elle est conçue pour devenir un outil de gestion de la stratégie d’entreprise à part entière.
La CSRD élargit considérablement le champ d’application des obligations de reporting par rapport à la NFRD. Toutes les grandes entreprises, qu’elles soient cotées en bourse ou non, sont désormais tenues de se conformer à ses exigences. De plus, les petites et moyennes entreprises cotées sur les marchés réglementés sont également concernées. La grande nouveauté réside dans l’inclusion des sociétés non européennes, pourvu qu’elles possèdent au moins une grande filiale ou succursale en Europe et qu’elles génèrent plus de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel en Europe sur deux années consécutives. Alors que l’on estimait à environ 11 000 le nombre d’entreprises soumises à la NFRD, la CSRD touchera désormais plus de 50 000 entreprises en Europe.
Une particularité notable de la CSRD, en comparaison avec d’autres référentiels de reporting, notamment celui de l’International Sustainability Standards Board (ISSB), réside dans son ambition en tant qu’acteur du développement durable et dans son application de la notion de double matérialité pour l’évaluation des impacts. Les entreprises ne sont pas seulement tenues d’identifier les impacts qui affectent ou pourraient affecter leur performance financière (outside-in), mais elles doivent également examiner les impacts de leurs activités sur l’environnement et la société, même s’ils n’ont pas de conséquences financières directes. L’approche de la double matérialité est la seule méthode qui permet d’obtenir une vue d’ensemble complète des risques et des impacts environnementaux et sociaux d’une entreprise.
Le périmètre de couverture des impacts change également. Les entreprises ne sont plus uniquement responsables de leurs propres opérations, mais aussi de leurs relations commerciales avec leurs clients, fournisseurs et partenaires. Elles doivent prendre en compte l’ensemble de la chaîne de valeur pour évaluer leur impact global sur la durabilité. La temporalité de reporting évolue aussi : les entreprises doivent être en mesure de démontrer qu’elles ont anticipé non seulement les impacts à court terme, mais aussi ceux prévus dans les prochaines années, voire à un horizon de 5 à 10 ans.
Quand va-t-elle s’appliquer et quelles sont les évolutions à venir ?
La CSRD entrera en vigueur le 1er janvier 2024, et les premiers rapports seront publiés en 2025 pour les entreprises déjà soumises à la NFRD. Pour les grandes entreprises qui ne relevaient pas de la NFRD, leur premier rapport sera publié en 2026, couvrant l’exercice de 2025. Les PME bénéficieront d’un délai supplémentaire jusqu’en 2027 pour leur rapport, portant sur l’exercice de 2026. Enfin, les sociétés non-UE devront publier leur premier rapport en 2029, couvrant l’année 2028.
Il convient de noter que la CSRD prévoit des mesures transitoires pour accompagner les entreprises dans leur préparation. Par exemple, toutes les entreprises auront jusqu’à 3 ans pour recueillir des informations sur leur chaîne de valeur en cas d’indisponibilité des données.
En ce qui concerne les développements futurs, la Commission européenne a l’intention de publier prochainement des normes simplifiées spécifiques pour les petites et moyennes entreprises, ainsi que les normes sectorielles et les normes pour les entreprises non européennes.